Le communiqué de presse n°010 du 15 octobre 2024 du Ministère chargé du Budget et des Comptes Publics remet en cause le mécanisme de facturation interentreprise défini par la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 – art. 26.
Dans ce communiqué l’Etat annonce qu’il va privilégier les rôles ‘annuaire’ et ‘concentrateur’ pour pouvoir tenir les délais avec ses moyens.
Étant donné que cette priorisation se fait au détriment du rôle de plateforme de dématérialisation cela revient à dire que l’Etat renonce au PPF pour donner aux PDP un monopole dans l’échange des factures au 1er septembre 2026.
Nous dénonçons cette décision et nous demandons que l’Etat respecte son engagement de livrer un Portail Public de Facturation (PPF) accessible et gratuit pour tous.
La volonté d’abandonner le PPF est une nouvelle preuve de l’incapacité de l’Etat de mener à bien le projet de la facturation électronique interentreprise dans sa version actuelle.
Cette annonce précipitée, unilatérale et en contradiction avec l’article 26 de la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 montre également que le projet prend l’eau de toutes parts.
Après des retards répétés, ni le périmètre, ni le planning, ni la communication ne sont correctement maîtrisés par l’AIFE.
L’incapacité de l’Etat à répondre à ses obligations met en péril l’application de la réforme et créent un climat délétère.
Ces manquements inquiètent et provoquent l’incrédulité quand ils sont accompagnés de justifications lénifiantes que tous ces dysfonctionnements sont faits pour le bien des Entreprises alors qu’elles en subissent les conséquences.
Les entreprises qui ont anticipé la réforme voient leurs investissements remis en cause.
Les éditeurs qui voulaient l’accompagner et la faciliter sont plongés dans l’incertitude.
Seules les PDP qui accaparent le marché lui font un accueil favorable mais précisent bien que ce n’est pas suffisant.
Sur le fond du problème, le choix initial qui se voulait ambitieux de combiner un modèle centralisé ‘à la Chorus-Pro’ et un modèle décentralisé novateur DCTCE apparaît maintenant pour ce qu’il est : L’échec d’un chantier prétentieux qui dépasse largement les capacités de l’AIFE.
Après des années de retard tout indique qu’il faut revenir à ce que l’AIFE sait faire, c’est-à-dire à un modèle centralisé comme Chorus-Pro.
- L’AIFE maîtrise déjà ce modèle avec Chorus-Pro depuis 2017,
- Il est extensible au B2B comme l’a prouvé la phase d’expérimentation conduite par l’AIFE et la DGFiP début 2020,
- Il est beaucoup plus simple et rapide à mettre en œuvre comme le montre l’exemple de l’Italie qui l’utilise depuis des années,
- Il est plus sécurisé car les données sont regroupées par conception dans un seul portail de l’Etat qui en assure la sécurité et le contrôle
- Il est ouvert à tous les acteurs de la réforme : assujettis, éditeurs, OD et PDP comprises dans le rôle d’OD.
Or, l’AIFE voudrait nous faire croire aujourd’hui qu’il faut renoncer au PPF et s’acharner encore et toujours à développer une solution décentralisée quelle ne maîtrise pas et qui l’étouffe par sa complexité ?
Dans cette solution décentralisée la transmission des factures serait intégralement confiée à quelques sociétés privées PDP à qui l’Etat pourrait faire confiance après une procédure d’enregistrement et des contrôles périodiques.
Pouvons-nous légitimement penser que l’Etat peut efficacement contrôler une centaine de plateformes informatiques privées quand il n’est pas en mesure de concevoir la sienne en 4 ans ?
La mise en œuvre et l’exploitation de cette solution est d’une extrême complexité que l’Etat n’a pas encore mesurée car les données transitent par une galaxie de plateformes hétérogènes privées sans contrôle direct de l’Etat à l’aide d’interfaces propriétaires qui ne sont pas normées.
Cela entraîne déjà des coûts massifs pour l’Etat qui doit mettre en place des procédures législatives, techniques et administratives lourdes pour conserver un minimum de contrôle sur les données et sur les acteurs de cette future usine à gaz.
Enfin, la mise en route de cette solution s’accompagnera nécessairement d’une phase d’instabilité par la contraction et concentration du marché des PDP.
En période de restrictions budgétaires et de simplification de la vie des Entreprises on peut s’interroger sur l’acharnement à engager les moyens de l’Etat dans la construction d’un modèle distribué complexe qui favorise le secteur privé, qui fractionne et fragilise les flux de données, qui restreint les contrôles par l’Etat et qui accumule les retards en cascade…
Nous interprétons cette persévérance comme une course en avant sur un périmètre mal maîtrisé qu’il faut rapidement stopper pour revenir sur un modèle centralisé et maîtrisé.
Comme preuve supplémentaire de cette fuite en avant, on pourrait citer le nouvel amendement n°I-2059 du projet de loi de finances pour 2025 qui proposait (encore !) de reporter les échéances d’une année. Ce dernier a été rejeté le 7 novembre dernier, mais montre bien la fébrilité et le manque de préparation des instances en charge de ce sujet. Nous pouvons nous attendre à une nouvelle proposition de report du délai d’entrée en vigueur de la loi.
Pour conclure…
Applium ne comprend pas cette décision d’abandon du PPF qui impose un choix unique et couteux aux entreprises françaises et met à mal des années d’investissement de nombreux éditeurs de solutions proposant un autre modèle (et notamment SAP avec sa solution SAP Document & Reporting Compliance déjà retenue par de nombreux clients SAP en France).
Nous allons explorer toutes les voies de recours pour contester cette décision.
En parallèle, en derniers recours en cas de maintien de la position de l’état français, concernant la solution A2C proposée par Applium et déjà exploitée par plusieurs clients avec Chorus Pro, Applium va étudier :
- la possibilité de transformer la solution en PDP (cela aurait malheureusement un impact à la hausse important sur les coûts de possession de la solution
- la possibilité de s’associer avec une PDP proposant un modèle économique raisonnable
Nous tiendrons régulièrement nos clients SAP informés de l’évolution de ce dossier.